Tintin ? Pas si parfait que ça !

Dans le cadre d’une trilogie destinée à démontrer comment et pourquoi Hergé avait décidé d’en finir avec Tintin, le dernier opus de la collection, intitulé La véritable révolution des Picaros, fait mieux que d’expliquer comment la statue du héros sans peur et sans reproche fut déboulonnée... 

Si l'essai La véritable révolution des Picaros évoque le contexte de la parution de l’album Tintin et les Picaros, il met surtout en exergue son importance déterminante pour mieux comprendre la démarche artistique de Hergé à partir de Tintin au Tibet ; un album trop souvent réduit à sa dimension onirique et psychanalytique, alors qu’il porte en lui les germes de la volonté de Hergé d’en finir avec sa créature.

La véritable révolution des Picaros démontre en quoi Tintin au Tibet n’est aucunement une histoire qui glorifie l’amitié, et répond à cette question essentielle : Quelle méthode a choisi Hergé pour en finir avec Tintin ?

Mais parce que Hergé n’avait pas que des comptes à régler avec Tintin, qu’il voulait s’en servir pour mieux guider et incarner sa pensée, on profitera de cet essai pour se convaincre que le créateur de Tintin était bien un créateur de génie.

EN BONUS !

Arthur Schopenhauer expliqué par Tintin

Arthur Schopenhauer est bien gentil, mais vous considérez sa pensée parfois peu accessible, voire incompréhensible ?

Les concepts de volonté et de représentation vous laissent perplexe ? 

Pas de problème... Tintin et Hergé peuvent aussi servir à mieux appréhender le génie de la pensée humaine.

Le Monde comme volonté et comme représentation est l’œuvre majeure du philosophe Arthur Schopenhauer ; un mercenaire de la pensée qui s’est inspiré de Kant, tout en le critiquant, et s’est moqué de Hegel, en le traitant de « charlatan répugnant » ou de « barbouilleur d'inepties ».

Si les concepts proposés par Schopenhauer pour justifier « ce qui est » font encore références (les premiers écrits datent de 1819), leur impact fut tardif. Dans la préface de la troisième édition, même si Schopenhauer fait le constat qu’une pensée moderne et ambitieuse doit lutter et résister aux « empêcheurs de penser en rond » (allusion à la prose géométrique de Kant et de Schopenhauer) pour se faire connaître, il semble satisfait d’assister aux prémices d’un rayonnement qui s’annonce durable. 

Arthur Schopenhauer a l’ambition, à travers ses concepts de représentation et de volonté, de livrer une explication de la réalité du monde. Sa conviction est sans équivoque : « ce qui existe » est pure volonté ; la  qualifiant de « désir de vie aveugle et sans but ». Pour Schopenhauer, la volonté constitue le socle unique et inébranlable de la vie végétale, minérale et animale ; et plus largement de l'univers. L'Homme est donc animé de la même énergie vitale que les autres êtres vivants ; il s'en différencie par sa quête, vaine et pathétique, de la satisfaction de ses désirs. L'insatisfaction chronique est une caractéristique spécifique de la condition humaine, et il n'y aurait que l'art pour apprendre à vivre sans être obnubilé par l'assouvissement de ses désirs. 

Schopenhauer utilise le mot volonté, non pas comme nous l’entendons généralement (la volonté de faire), mais comme désignation de son concept. Selon le philosophe, la volonté à l’origine de « ce qui est » pourrait être également qualifiée d’énergie ou de puissance, mais cela amoindrirait la force autonome qui anime et fait agir sans conscience cette « volonté » qui incarne la « chose en soi », un autre précepte initié par Kant. Quand au terme de « représentation », il signifie que le monde existe uniquement par la création subjective du sujet face à l’objet. Ce concept permet d’inclure la conscience de « soi » à travers la conscience de son environnement.

Tintin au secours de la Chose en soi

Une lecture décalée des Aventures de Tintin, et plus précisément d’une interprétation connexe de Tintin au Tibet et de Tintin et les Picaros, permet de rendre plus compréhensibles les concepts philosophiques de Schopenhauer et de démontrer, par conséquence, tout le génie didactique de Hergé. Après Leibniz et sa Monadologie expliquée grâce au Bijoux de la Castafiore, Tintin plus philosophe que jamais nous convie au cœur de la pensée des plus grands philosophes.