L’album Les bijoux de la Castafiore dessiné par Hergé est peut-être celui où les animaux sont les plus visibles et les plus nombreux. Entre les oiseaux que l’on devine et les chevaux de course que l’on ne verra pas, ils font partie intégrante d’une histoire où les apparences se jouent des lecteurs et de Tintin...

De la pie voleuse à la chouette somnambule
Les Bijoux de la Castafiore est un album où les oiseaux, et plus particulièrement une pie, tiennent des premiers et des second rôles déterminants. Si, régulièrement, Hergé a mis en scène des animaux emblématiques d’un bestiaire symbolique, il est rare qu’il attribue à un banal oiseau le poids d’une intrigue qui restera à part dans toute l’œuvre du créateur de Tintin ; en raison, notamment, d’une histoire qui se déroule entièrement au château de Moulinsart, et d’un épilogue que certains lecteurs ont jugé « décevant », avant d’admettre que le scénario proposé par Hergé était « diabolique »...
Le bestiaire des aventures de Tintin
Avant d’évoquer plus spécifiquement l’album des Bijoux de la Castafiore, voici un rappel des principaux animaux qui ont tenu un rôle non négligeable dans les aventures de Tintin :
- Les Cigares du pharaon : Dans cet album, Tintin enquête sur un trafic de drogue international qui le mène en Égypte. Au cours de son périple, Tintin et le professeur Siclone se retrouvent à dos d’éléphant, un éléphant avec lequel communique Tintin par le biais d’une trompette sculptée dans l’écorce.
- L’île noire : Dans cette histoire, Tintin enquête sur un réseau de faux-monnayeurs qui se cache sur une île isolée et réputée hantée en Écosse. La « bête » qui effraie les habitants et tient les curieux à distance n'est autre que Ranko, un puissant gorille. Ce dernier est utilisé par les criminels, notamment le docteur Müller et son chauffeur Ivan, pour maintenir les gens éloignés de leur repaire situé dans les ruines du château de Ben More. Au fil de l'aventure, Tintin découvre que Ranko est avant tout un animal sensible et effrayé par les mauvais traitements de ses maîtres. Milou joue un rôle crucial dans l'apprivoisement et la capture de Ranko, notamment grâce à ses aboiements.
- L’étoile mystérieuse : L'araignée de cet album est géante, dotée d'un corps poilu et des pattes longues et fines. Cette araignée, ainsi que d'autres formes de vie végétale et animale étranges, a subi des mutations dues aux propriétés inconnues d’une météorite. L'araignée représente un danger direct pour Tintin avant d’être écrasée par une pomme géante...
- Le Temple du soleil : Dans cette aventure, Tintin et le capitaine Haddock cherchent à comprendre la malédiction qui frappe les membres d'une expédition scientifique et à retrouver leur ami Tournesol. Dès le début de l’aventure, un lama asperge Haddock, qui se vengera en fin d’épisode...
- Tintin au Tibet : Hergé met en scène un Yéti plus gentil que certains hommes, un peu à l’image du gorille de l’île noire ; les clichés étant donc inversés.
- Vol 714 pour Sydney : Sur l’île de Pulau-Pulau-Bompa, vivent des nasiques arboricoles ; ces singes sont dotés d'un gros nez flasque et grotesque, dont Hergé se sert pour se moquer de celui de Rastapopoulos...
Les oiseaux des Bijoux de la Castafiore
Dès la première case de l’album, Hergé dessine une pie qui, sans que l’on puisse le deviner si on ne connaît pas cette histoire publiée en 1963, est la cause de toutes les agitations vécues au château de Moulinsart. Ensuite, c’est un perroquet prénommé Coco qui sera au centre de quelques scènes où le mauvais caractère du capitaine Haddock sera mis à rude épreuve. Nous verrons apparaître, au cours de l’histoire qui tourne autour de la Castafiore (de ses bijoux, de sa virginité, de son pianiste et de ses bijoux..), un pic vert, une chouette et un vanneau (qui est en réalité le nom de famille d’un élagueur sollicité par Tintin) ; quant au Rossignol Milanais, il est aussi peu invisible qu’une Diva au milieu de sa cour...
Les animaux visibles ou invisibles des Bijoux de la Castafiore
Un écureuil apparaît dès la première page des Bijoux de la Castafiore, dont le panache roux symbolise à merveille tous les questionnements à venir. Cette présence presque anodine est en réalité un indice très utile pour mieux comprendre le projet de Hergé (un sujet traité dans l’essai La véritable valeur des Bijoux...), qui n’a pas simplement inventé une histoire sans coupables et sans larcin...
Ensuite, c’est un chat siamois moins bavard que Milou que l’on pourra admirer à plusieurs reprises, et notamment sur la couverture de l’album. Il est amusant de noter que Hergé, le créateur de Tintin, possédait lui-même une chatte siamoise, nommée Thaïke, qui aurait pu être une source d'inspiration pour le chat sans nom de Moulinsart. On peut également apercevoir, enfin, les chevaux ou les mules qui tractent les caravanes des tziganes, mais on verra jamais Sarah, Oriane et Sémiramis, les cheveux sur lesquels Wagner, le pianiste de la Castafiore, parie...