Narcisse Chaillou est un peintre qui s’est fait connaître durant la Commune de Paris, car ils ne devaient pas être nombreux les peintres qui demandaient aux dépeceurs de rats de prendre la pose... Né à Nantes en 1835, Narcisse Chaillou vit un temps dans le village de Baud, où il fait enterrer sa femme, avant d’aller s’installer à Pontivy, situé à 25 kilomètres de sa femme, pour s’y faire enterrer. Il donne à la ville de Pontivy 43 toiles en échange d’une concession à perpétuité...
Plus Narcisse que Chaillou...
Narcisse, c’est le beau garçon par excellence. Si accaparé par sa jolie frimousse, qu’il en néglige le monde et les gens qui l’entourent. Dès sa naissance, un devin lui prédit une longue vie, mais à condition qu'il ne contemple jamais son visage. Drôle de conseil donné à un être qui, heureusement pour lui, peut compter sur sa maman, et non sa nourrice, la nymphe Liriopé, pour veiller à ce que son fils ne devienne pas le fanatique de sa propre personne.
Seulement voilà, Narcisse grandit, il devient un homme fort et fort beau, ce qui attise les convoitises des nymphes du pays, ces dernières lui faisaient les yeux doux. Narcisse ne se préoccupe pas d’elles, on peut dire qu’il les méprise, en raison de cette conviction : sa beauté, dont il a conscience sans avoir pu vérifier son intuition, mérite mieux que ces « groupies » mythologiques.
Parmi les nymphes éconduites, il y a Écho. Trop bavarde au goût de Hera, la femme de Zeus, elle a été condamnée par les Dieux à ne plus parler. Elle n’a droit qu’à une chose : répéter la fin des phrases prononcées par d'autres. La conséquence de cette punition est simple à entrevoir : Écho est amoureuse de Narcisse, mais elle est dans l’incapacité de lui avouer son amour. Elle le suit donc en cachette en espérant que Narcisse lui accorde un mot ou un regard...
Un jour, Narcisse se perd dans la forêt. Il se met à crier : « Il y a quelqu’un ? », mais l’écho qui lui répond provient d'Écho la nymphe incapable de lui dire simplement : « Je suis là mon amour... ». Restée cachée derrière un arbre, la nymphe ne fait que répéter les derniers mots de Narcisse qui, lassé de ce dialogue de sourd, exige que Écho sans aille. La nymphe obéit, résignée elle part se cacher dans une grotte avant de dépérir de chagrin.
L’attitude de Narcisse ne plaît aux Dieux qui font appel à Némésis, la déesse de la vengeance, afin de punir celui qui, en raison de son arrogance et de son absence de sentiment, a provoqué la mort d’une nymphe. C’est ainsi qu’un jour, alors que Narcisse s'abreuve à une source, le reflet fait miroiter le visage parfait d’un jeune homme qui sourit. « Bon sang mais c’est bien sûr ! », se dit Narcisse qui a de la jugeote quand ça l’intéresse ; ce beau visage est le sien, il est donc bien ce qu’il espérerait : beau comme un Dieu... Cette dernière incartade n’est pas fait pour calmer les Dieux, justement, qui vont obliger Narcisse à se mirer sans répit, c’est-à-dire en continu. Sans se nourrir et sans boire, Narcisse va mourir sur la berge de la source et laisser en souvenir une jolie fleur jaune, un peu courbée, elle aussi, en direction de l’onde hypnotique...
Portrait de ma nourrice
Le Narcisse peintre a donné des toiles à la ville de Pontivy pour entretenir sa tombe, mais qu’en est-il de celle de sa femme du village de Baud, puisque les deux époux ne sont pas enterrés dans le même cimetière. Moins pertinents que les Dieux, les élus du Conseil Municipal de Baud ont même donné, à une salle de réunion du village, le nom de Narcisse Chaillou (on a les monuments qu’on mérite). En entretenant le mythe d’un peintre « qui a connu son heure de gloire au temps de la Commune de Paris », ces élus participent à faire de Narcisse un exemple, alors que le narcissisme est un défaut ; mais peut-être pas en politique...
Il est d’ailleurs plutôt amusant que le tableau, ou l’un des tableaux, le plus célèbre de celui qui s’aime bien mette en scène sa nourrice. Une brave femme édentée qui a pris la pose sans états d’âme, peut-être soumise aux injonctions de son ancien rejeton : « Vas-y... Vain Dieu... Ouvre moi mieux cette belle bouche que t’as... Qu’on y voit l’intérieur de ton âme, ma belle... Pense à la postérité... Quand dans cinquante ans les gens diront : c’est la nourrice à Chaillou ? Et qu’on leur répondra, c’est surtout la preuve qu’on peut avoir été la reine de Narcisse et refuser de porter des couronnes ! »
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