Le 1er bilan comptable des Aventures de Tintin
De quoi vivent Tintin, Haddock et Tournesol ? Quel est leur revenu ? Tintin a t-il mis en location son appartement de la rue du Labrador ? Si Tournesol semble le seul qui profite des fruits de son labeur (rappelons que c’est en vendant son brevet de sous- marin qu’il peut “offrir” le château de Moulinsart à Haddock), on ne connaît pas le montant de sa fortune. En parlant de fortune, Haddock a t-il déclaré au fisc la valeur du trésor de la Licorne ? Le musée qu’il inaugure à la fin du diptyque de la Licorne a-t-il bénéficié d’un soutien financier de la commune de Moulinsart ? Quel est le salaire de Nestor ? Tintin est-il logé à titre gratuit à Moulinsart ? Tintin et Haddock ne mangent jamais au restaurant (sauf Tintin, pour découvrir qu’il a peut-être mangé un ragoût de chien à la mode Syldave) ? Combien leur a coûté leur séjour à Vargèse ? Qui a financé les billets d’avion qui permettent à Tintin et Haddock de se rendre au Tibet (qui est d’ailleurs le seul album des Aventures de Tintin dans lequel on peut surprendre notre héros faire ses comptes avant de payer ce qu’il doit à Tharkey le sherpa...) ?

Le 1er contrôle fiscal qui donne envie de relire Tintin !
Hergé s’est éloigné des canons esthétiques de la Ligne claire pour, peu à peu, installer son œuvre dans un réalisme obsessionnel du dessin et, par extension, du scénario. On peut dater cette quête esthétique à partir de la refonte de l’album L’île noire, un album revu et corrigé qui renia le graphisme des albums en noir et blanc, au grand dam de certains tintinophiles.
On peut également dater l’apogée de l’ultra-réalisme au moment de la création de l’album L’Affaire Tournesol, une histoire dans laquelle Hergé a même demandé à ses collaborateurs de dessiner sa propre voiture (une Lancia Aurelia)...
En marge de ce réalisme assumé, qui se voit et qui se lit, résiste une utopie paradoxale plus conforme aux albums des prémices. Ce paradoxe se situe au point de jonction d’une volonté de proposer des albums dotés de décors et d’accessoires inspirés du réel (au service d’histoires plus sérieuses), et du maintien d’un irréalisme caractéristique des bandes dessinées pour enfant. Un paradoxe qui est à la source de cette collection qui propose le 1er bilan comptable des Aventures de Tintin et qui souhaite mettre du pragmatisme dans l’utopie et de la poésie dans le réalisme.