La volonté de Schopenhauer

Arthur Schopenhauer (1788-1860) est sûrement le philosophe le plus antipathique de tous les philosophes qui ont contribué à rapprocher l’humanité du secret de l’univers, mais ce n’est pas une raison pour oublier qu’il fut un penseur de génie et un précurseur de thèses qui restent fascinantes à commenter de nos jours ? Moins fou que Nietzsche, et tout aussi convaincu que Spinoza d’avoir raison, Schopenhauer s’est même fâché avec Goethe pour une histoire de goût et de couleur... Mais pourquoi vous parler de lui, pourriez-vous vous demander ? Car sa pensée est terriblement d’actualité et que grâce à l’essai La véritable révolution des Picaros, son concept de volonté est enfin compréhensible.

Arthur Schopenhauer a de la volonté, mais ce n’est pas la sienne...

On dit souvent de Schopenhauer qu’il est un philosophe pessimiste, de par cette conviction : la condition humaine est vouée à ne jamais trouver l’apaisement, ni dans l’amour (platonique ou physique), ni dans les loisirs, ni dans le travail et encore moins dans la religion. Schopenhauer a organisé ses arguments, en faveur d’une humanité destinée à subir son existence en patientant jusqu’à la mort, autour d’un concept philosophique qu’il a appelé :

Le monde comme volonté et représentation.

Selon Schopenhauer, si le monde existe, c’est en raison de la confrontation d’un sujet à un objet (ou de l’homme face à une réalité). « Ce qui est » existe, car celui qui peut raisonner le monde de manière subjective a le pouvoir de rendre réel ce qui ne possède de réalité objective qu’en soi. En d’autres termes, ce n’est pas parce que l’objet ne peut exister qu’en présence d’un sujet capable de raisonner ce qu’il voit, qu’il existe, mais c’est parce que l’objectivité de ce que l’objet incarne n’a pas de réalité que tout ce qui existe à travers la représentation subjective peut occuper une place dans un réalité objective. Pour illustrer le concept de représentation, il suffit de poser un couteau sur une table de cuisine et de quitter la pièce. Un personne qui apercevrait ce couteau en se souvenant qu’il pourrait s’en servir pour tuer sa femme, ferait de cet objet une pièce à conviction, dans le cas d’un passage à l’acte, ou l’espoir d’une vie meilleure, le temps de rester dans la cuisine et de contempler le couteau. C’est ce qui fait du couteau posé sur une table de cuisine, un objet en attente d’interprétation pour exister.

L’autre versant du concept de Schopenhauer (Le monde comme volonté et représentation), c’est celui de la volonté. Ce terme, choisit par Schopenhauer, n’a pas la même signification que la « volonté » telle que nous l’entendons (la volonté de faire ou de dire). La Volonté de Schopenhauer est une force ou un élan qui peut expliquer pourquoi ce qui est existe, et pourquoi, chez l’Homme, la satisfaction n'est jamais pérenne. Pour réussir à extraire du néant la vie et faire persister la vie dans le néant, Schopenhauer considère qu’il n’y a qu’une volonté  sous-jacente qui peut expliquer cette frénésie de vie, dans le cadre d’un cycle de satisfactions successives inutiles.

Extrait de La véritable révolution des Picaros 

Le terme « volonté » que Schopenhauer utilise pour désigner son concept, et décrire le mécanisme qui s’objective par le biais de la vie terrestre, n’a pas le même sens que celui que nous attribuons communément à la volonté (comme la volonté de faire).

Si certains penseurs ont proposé  le vocable « vouloir de vivre » pour tenter de mieux cerner le sens à donner à la « volonté » de Schopenhauer, il n’y a que dans la manière de définir le concept de « volonté » que l’on peut saisir ce que le philosophe a tenté de résumer d’un seul mot.

La Volonté de Schopenhauer n’est qu’intuitive, car son pourquoi ne peut se définir scientifiquement. Et puisque ni les mathématiques, ni la morphologie, ni l’étiologie n’ont pu venir à bout de la « volonté », faisons de notre propre intuition le véhicule qui nous permettra de nous rapprocher de celle de Schopenhauer, même si le chemin sera chaotique en raison de ce premier constat : s’il est impossible de justifier la « volonté » de manière rationnelle, d’en déterminer l’origine et d’en démontrer la réalité de manière expérimentale, elle objective sa réalité à travers toutes les formes de vie (ce qui signifie que c’est bien la « volonté » qui fait pousser les fleurs, rugir les lions et courir les humains).

La « volonté » n’est pas la cause d’un effet, ni l’effet d’une cause. Elle justifie tout, sans se justifier elle-même. Si la « volonté » était un son, elle serait inaudible et assourdissante ; si elle était une lumière, elle nous guiderait sans rien éclairer ; si elle était une matière, on la possèderait tout en continuant de chercher à la conquérir. La « volonté » est consubstantielle de « ce qui est », et « ce » qui est visible est le miroir de la « volonté ». Objectiver la « volonté », ce n’est pas faire de notre existence une réalité, mais se donner les moyens de déduire notre réalité à partir d’une interprétation subjective de « ce » qui est.

Le monde comme volonté expliqué case à case

Saisir la portée de la pensé de Schopenhauer n’est pas chose aisée, car si le verbe du génie est fascinant à lire, il ne se laisse pas dominer sans rechigner. C’est la raison pour laquelle, à l’occasion de l’essai La véritable révolution des Picaros, et par le biais des albums de Tintin, il est proposé aux lecteurs de pénétrer la pensée du philosophe par le commentaire de quelques cases dessinées par Hergé. L’intérêt de se servir de Tintin pour mieux comprendre Schopenhauer, c’est qu’au final l'on découvre qu'Hergé était un génie capable de mettre en scène, par le biais du dessin et du scénario, des concepts philosophiques majeurs.  

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