Céline critique Marcel Proust

L'implacable évidence de la chronologie a permis à Céline de donner son avis sur Marcel Proust, alors que Marcel Proust ne pourra jamais répondre à Ferdinand, le personnage de Voyage au bout de la nuit (qui moque le projet littéraire de Proust). Ce qui était exprimé dans le roman de Céline, deviendra moins élégant dans le pamphlet anti-juif Bagatelles pour un massacre, paru après le "voyage", où Proust est même surnommé : Prout-Proust. Cette obsession méprisante à l'égard de l'auteur de A la recherche du temps perdu masque mal une possible admiration mal assumée, une jalousie à l'égard d'un écrivain reconnu de son vivant, ou une haine toujours tenace à l'encontre des juifs (homosexuel de surcroît, dans le cas de Proust...).   

L'aigreur fait rarement de jolies phrases

Céline a donc commenté l'œuvre de Marcel Proust en termes peu élégants. Il a écrit sur lui. Donné son avis auprès de personnalité du monde de l'édition. On pourrait sourire de cette frénésie consacrée à évoquer un écrivain aussi éloigné humainement et stylistiquement que l'auteur de toute cette haine s'il n'était pas aussi évident que, plus que de la haine, c'est la jalousie qui servait de combustible à la prose de Céline ; et pas seulement à l'égard de Proust. Jalousie de n'avoir pas été reconnu, adulé officiellement ou épargné par la guerre. Or, il suffit de se pencher un peu attentivement sur le cas Céline pour comprendre qu'il n'est pas une victime des événements, des êtres ou d'un saligaud de destin ; mais bien le responsable de sa cavale, de ses blessures et de ses ratés. 

Pour démontrer l'absence de grandeur d'âme chez Céline et son incapacité de se placer au-dessus de ses ressentiments. Pour se moquer de ce fameux courage, qu'il mettait en scène en ressassant la liste de ses ennemis (rappelons, en matière de courage, celui de Proust prêt à en découdre sur le champ d'honneur), nous allons nous attacher à commenter trois citations de Céline. 

La preuve par l'absurde

  • Notre belle littérature néo-classique goncourtienne et proustophile n'est qu'un immense parterre de mufleries desséchées

Cette allusion au monde littéraire officiel, incarné à cette époque par la toute puissance de l'éditeur Gallimard (une influence toujours importante de nos jours, mais diluée par le filtre de plusieurs maisons d'édition appartenant au Groupe Madrigal), est une preuve d'une certaine aigreur, car Céline, dès lors qu'il se mit en quête d'un éditeur, s'adressa à ceux qui, justement, faisaient partie de ce monde littéraire. Céline avait écrit au comité de lecture de Gallimard : "C'est du pain pour un siècle entier de littérature. C'est le prix Goncourt 1932 dans un fauteuil pour l'heureux éditeur qui saura retenir cette œuvre sans pareil..." Son double échec, de n'avoir pas été édité par Gallimard et d'avoir perdu le Goncourt au profit d'un inconnu (un certain Guy Mazeline et son roman Les Loups), est mal vécu par Céline qui, à l'instar de tous les frustrés, a besoin d'un bouc émissaire. Dans les années 30, ce sont les juifs qui servent souvent de bouc-émissaire ; si Céline a révolutionné le style romanesque, il est par contre bien de son temps quand il s'agit de se chercher des excuses.

  • Proust, s'il n'avait pas été juif personne n'en parlerait plus ! et enculé ! et hanté d'enculerie - Il n'écrit pas en français mais en franco-yiddish tarabiscoté absolument hors de toute tradition française

Que dire de plus que le ressentiment de Céline mêle critique littéraire (quant au style) et mépris raciste. Rien de noble n'est à sauver dans cette diatribe pathétique. 

  • Il faut revenir aux Mérovingiens pour retrouver un galimatias aussi rebutant… Proust, l'Homère des invertis… 300 pages pour nous faire comprendre que Tutur encule Tatave c'est trop.

On se prend à regretter que cette critique n'ait pas été lue par Proust. On aurait apprécier une réponse respectueuse du génie et de la bienveillance de l'auteur de A la recherche du temps perdu. Après les racines juives de Proust, Céline fait de son homosexualité un moyen de se moquer de son œuvre. On aimerait renvoyer Céline à sa litanie de points de suspensions, à cet argot littéraire dont il revendique la réelle humanité, au contraire de la prose de Proust qui serait guindée d'un style factice et mondain. Mais pourquoi chercher à tirer sur une ambulance ? Surtout quand elle est conduite par un médecin de campagne installé en banlieue et qui soignait les rhumes et les eczémas purulents à coups d'ordonnance moins sévère que celles qui l'obligèrent à se planquer en Allemagne puis au Danemark.  

L'œuvre et son auteur sont dans le même bateau 

Les admirateurs de Céline, qui n'ont pas le courage de nous faire passer son antisémitisme pour de la littérature, exigent que l'on dissocie l'homme de l'œuvre, ce que notre libre-arbitre réfute. Quand à Marcel Proust, il suffit de lire sa correspondance avec Gaston Gallimard pour comprendre le caractère de l'auteur de A la recherche du temps perdu, et prendre plaisir à raisonner son œuvre à l'aune de son être ; mais ceci est une autre histoire

Pourquoi parler de Céline ?

Peut-être parce qu'il a été supposé par certains que les injures du Capitaine Haddock aurait inventées par Hergé à partir des injures mises dans la bouche de ses protagonistes par Céline.

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.