La page 42 de Vol 714 pour Sydney est devenue le symbole de la spéculation à outrance. À l’instar du marché des timbres de collection, il suffit qu’une première édition soit différente des suivantes, pour que la frénésie s’empare des collectionneurs et fasse grimper la côte des albums les plus rares, alors même qu’ils n’incarnent pas la volonté définitive de leur créateur...

Lors de la première édition de l’album Vol 714 pour Sydney, publiée en 1968, le capitaine Haddock prononçait une phrase qui fut modifiée par Hergé au moment de la seconde édition. En 1968, le capitaine Haddock demandait à Tintin : « Allez-vous enfin me dire où vous nous menez, mille millions de mille sabords ?! » et depuis il lui demande plus clairement : « Allez-vous me dire dans quelle caverne de brigands nous sommes tombés, mille millions de sabords ?! ». Ce changement de phrase, apparemment anodin, a créé une distinction qui attise les passions entre les deux éditions, faisant de la première un objet de collection particulièrement prisé. Mais plus intéressant encore, ces modifications de dialogue ne sont pas si anodins que cela et pourraient même se justifier par la dramaturgie mise en place par Hergé. Une dramaturgie en lien avec la révélation finale, celle du personnage inspiré de Jacques Bergier.
Vol 714 pour Sydney : une histoire de répliques
Pour mieux comprendre pourquoi Hergé a souhaité apporter des changements dans les dialogues entre Haddock et Tintin, voici un comparatif entre les dialogues de 1968 et ceux des éditions suivantes :
Vol 714 édition de 1968 | Vol 714 éditions suivantes |
---|---|
Haddock : " Allez-vous me dire où vous nous menez comme ça, mille millions de mille sabords ? " | Haddock : " Allez-vous me dire dans quelle caverne de brigands nous sommes ici, mille millions de mille sabord ? " |
Tintin : " Je vous répète capitaine, je n'en sais strictement rien, j'ai l'impression d'être télécommandé, voilà tout ce que je peux répondre " | Tintin : " Eh bien ! Capitaine, je parierais que c'est le souterrain au-dessus duquel nous nous trouvions quand vous êtes tombé sur cette espèce de dalle " |
Dans la version de 1968, Tintin faisait allusion à une influence métaphysique comparable à une hypnose ou une suggestion à distance ; alors que dans la version suivante, il ne fait que le constat géographique de leur position. En somme, et maintenant que l’on sait tous comment s’achève l’histoire de Vol 714 pour Sydney, il est facile de déduire que Hergé a pensé qu’il était encore trop tôt, dans l’aventure, pour commencer à divulguer comment Tintin et ses compagnons seraient sauvés et par qui ; justement par télépathie et par un personnage du nom de Mik Ezdanitoff, librement inspiré d’une personnalité bien réelle (un scientifique un peu mythomane mais franchement érudit : Jacques Bergier).
L'autre secret du Vol 714 pour Sydney
Un autre détail, qui n’a pas encore été révélé, et qui concerne précisément l’album et le titre du Vol 714 pour Sydney, est intéressant à découvrir même si l’on n’est pas un passionné des Aventures de Tintin, mais que l’on est toujours intrigué comment une œuvre d’art se crée. Ce secret « bien gardé » concerne le pourquoi du nombre 714. Si certains exégètes en sciences occultes ont opté pour le langage codé (chaque chiffre représentant une lettre), afin de démontrer l’appartenance de Hergé à la Franc-Maçonnerie, il est une autre hypothèse, moins « tirée par les cheveux », et plus crédible, qui explique de manière irréfutable pourquoi Hergé a choisi le 714 pour estampiller le vol de la compagnie Qantas en direction de Sydney. Cette révélation est à lire dans l’essai La véritable destination du Vol 714.
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