Tintin en bourguignon de l'Auxois

DG - Cher Nicolas Poussy... Vous nous avez été envoyé par un confrère qui a décelé chez vous un potentiel certain aux délires mégalomaniaques et mythomaniaques... Mais avant d'envisager ensemble une thérapie destinée à vous faire revenir sur terre, nous allons procéder à ce que nos confrères médecins légistes appellent : une autopsie...

NP - Mais... On m’avait parlé d’une simple consultation...

DG - l’humour fait aussi partie du protocole...

NP - Ah... Bon... Alors va pour une autopsie...

Tintin en bourguignon de l'Auxois

DG - Pour commencer, merci de vous présenter succinctement, vous et la bande de « fous de Tintin » qui vous accompagnent, même s’il est évident que, lorsque l’on est atteint du syndrome de la mégalomanie, succinctement est un adverbe peu commun :

NP - Cher docteur... Je ne suis ni mégalomane, ni mythomane. Il y a erreur de diagnostic, erreur sur ma personne, erreur sur toute la ligne ! Je souffre plutôt du syndrome d’Obelix, si vous voulez tout savoir, et pas que moi ! Moi et mes petits camarades ! Nous sommes tous tombés dedans quand nous étions petits, et pour ma part, j’avais seulement six ans !

DG - Vous évoquez Obelix pour parler de votre passion pour Tintin... ça commence fort !

NP - C’est de votre faute ! Vous me culpabilisez, en exigeant de moi de l’humour et de la sincérité... Alors laissez-moi vous dire les choses telles que je les ressens... Après trente-cinq ans d’une passion acharnée pour Tintin, vous avez raison... la folie est là... Bien présente, mais...

DG - Enfin ! Un peu de lucidité...

NP - Mais je l’assume ! J’espère seulement que votre diagnostic ne s’orientera pas vers une suspicion de surconsommation de radjaïdjah… Quant à l’association, celle des « fous de Tintin », comme vous dites, après un premier succès réussi d’un Tintin en patois dijonnais, suivi de dix-huit années d’un profond sommeil léthargique (sans doute frappée par le terrible sortilège de Rascar Capac…), il était grand temps de la réveiller, à la veille du centenaire de Tintin...

DG - La veille... Le centenaire est prévu en 2029...

NP - Comme vous dites ! Alors, comme je disais, à quelques années d’un centenaire qui devrait faire trembler de plaisir Hergé là où il est, il était temps de sortir de notre torpeur et de redonner vie à notre belle association, fièrement placée sous le sceau de la Bourgogne. Et pour cela, quoi de mieux que ce projet un peu fou de traduction en patois bourguignon de l’Auxois ?

DG - Cessez de vous faire passer pour quelqu’un modeste, cessez de parler de vos petits copains ! Parlez-nous de vous, Nicolas Poussy, de vous !
NG - Calmez-vous ! Docteur... Je ne sais pas si je suis atteint du syndrome de la mégalomanie, mais quand je vous écoute je pense « vive les vacances ! »... Enfin, bon... Puisque vous insistez, alors voilà : je suis tintinophile depuis l'âge de 7 ans, au fil de l'eau, j'ai rejoint rapidement l'association Les Amis de Hergé, puis j’ai participé à un certain nombre d'évènements, tel que  celui de Chabeuil en 2006-2007, où nous avons créé un petit groupe (grand groupe maintenant) de fans de Tintin.  En 2007, alors que j’étais étudiant, et avec un groupe de tintinophiles bourguignons, nous avons créé notre association : La confrérie aux pinces d’or. Notre objectif était, notamment, de faire paraître un album de Tintin en patois dijonnais. La renaissance de l'association, c'est clairement cette volonté de proposer Les Bijoux de la Castafiore traduit dans le patois que parlait mes grands parents : le patois de l’Auxois. Aujourd’hui, j'ai 41 ans, je suis expert-comptable et j'exerce dans le milieu artistique et culturel. Quand j'étais petit, je lisais Astérix, Lucky Luke et Tintin, ma passion s'est vite tournée vers Tintin, pour le côté aventurier, mais également le côté « gag » de certains personnages. J'ai connu Tintin avec Le Lotus Bleu , mon premier album et la destination m'a immédiatement transporté.
Nicolas Poussy

Nicolas Poussy un peu avant son internement

DG - Votre association s’appelle La confrérie aux pinces d’or... Mais compte tenu de votre pathologie, pourquoi ne pas avoir choisi plutôt la Confrérie qui a marché sur la Lune avant Tintin ou la Confrérie qui a trouvé le trésor de la Licorne avant Tintin ?

NP - Nous n’avons ni la prétention de découvrir le trésor de Rackham le Rouge, ni celle d’aller sur la Lune… En revanche, sublimer un bon verre de Bourgogne en replongeant dans les aventures de notre héros préféré, ça oui ! C’est tout l’esprit de notre démarche !

DG - Il existe donc un lien évident entre les vins produits dans votre région et la passion de Haddock pour les breuvages alcoolisés ?

NP - Avant tout, l’Auxois est une région de nature, de terroir et de patrimoine, au même titre que les paysages de Céroux-Mousty, petit village du Brabant wallon où Hergé a vécu. Ces paysages ne ressemblent-ils pas également à ceux représentés dans Les Bijoux de la Castafiore ?  Ne retrouverait-on pas, dans cet album si singulier, les mêmes atmosphères que celles de notre belle région de l’Auxois ? Territoire au cœur de la Côte-d’Or, l’Auxois, ce pays de bocage vallonné, façonné par des prairies verdoyantes, des haies champêtres, une douce alternance de vallons, de plateaux, et de petites rivières me semble parfaitement représenté dans l’album de Tintin (celui de la pie voleuse).

DG - Dans l'album le Crabe aux pinces d'Or, Tintin est emprisonné dans une bouteille de Bourgogne, à la merci de Haddock... Certains commentateurs des Aventures de Tintin y ont décelé la preuve (métaphorique) que Hergé aurait subi une agression sexuelle enfant... Qu'en pensez-vous ? Ne jugez-vous pas l'usage qui est fait de l'appellation Bourgogne comme peu valorisante eut égard à la symbolique du dessin ?

NP - Le principal est le grand maître (Hergé) fasse à mes yeux référence à notre belle région ! Certaines lectures psychanalytiques y voient un symbolisme phallique et oppressant, et avancent même la thèse qu'Hergé aurait transposé, inconsciemment, un traumatisme (parfois présenté dans certaines analyses comme un abus sexuel dans l'enfance, bien que rien ne l'atteste historiquement). Hergé n'a jamais évoqué un tel traumatisme, et la plupart des biographes estiment qu'il n'existe aucune preuve attestant d’un sévices sexuel vécu au moment de l'enfance. Hergé, de son côté, expliquait plutôt ses histoires par le simple goût du gag, du comique de situation et du surréalisme.

DG - Votre projet est de faire traduire Les Bijoux de la Castafiore en patois Bourguignon, pourquoi cet album précisément ? Pour vous venger de Hergé qui n’a pas dessiné Tintin en Bourgogne ?

NP - Comme je vous l’ai déjà dit, cher docteur, mais peut-être devriez-vous consulter un ORL...

DG - Pardon ?

NP - Je disais que c’est avant tout pour rendre hommage à notre belle région de l’Auxois, et à Hergé, que nous souhaitons proposer cette nouvelle traduction. Il se murmure même, parmi certains hergéologues, qu’une bouteille de Corton-Charlemagne 1955, tirée en l’honneur d’Hergé, aurait été retrouvée dans sa cave… Simple anecdote peut-être, mais qui résonne joliment avec notre projet. Car au-delà de cette référence œnologique savoureuse, c’est surtout l’histoire et la richesse de notre terroir que nous voulons mettre en lumière. À travers cette traduction d’un album de Tintin en patois bourguignon de l’Auxois, notre ambition est de valoriser une langue populaire en voie d’effacement : le patois de chez nous, avec ses sonorités chantantes et ses tournures typiques… Ce projet, c’est notre manière de faire vivre un héritage culturel immatériel, et de le transmettre à toutes les générations.

DG - Vous lancez un appel à souscription pour financer ce projet de traduction un peu fou... Justement, combien de « fous de Tintin » espérez-vous convaincre de lire les expressions « Mille milliard de mille sabords » ou « Ciel ! mes bijoux ! » en patois Bourguignon de l’Auxois ?

NP - Des bouquiottes, Mie milliâ de Cré louvairou !... Nous espérons convaincre 3000 fous de Tintin, mais également des habitants de la région, ceux qui pratiquent, ceux qui ont entendu de par leurs parents, et grands-parents, ces expressions !

DG - Si Pierre Assouline accepte de lire votre BOUQUIOTTES D'LAI CASTAFIORE, pensez-vous qu’il dirait : « C’est une traduction de trop... » à la manière d’un psychiatre qui dirait : « C’est une folie de plus » ?

NP  - Je laisserai notre parrain le capitaine Haddock répondre : « Que le grand cric me croque et me fasse avaler ma barbe. Encore une version des Bijoux ? Mais c’est une invasion, une prolifération digne de doryphores ! Qu’est-ce que c’est que ce charabia ? Les bouquiottes d’lai Castafiore ? Tonnerre de Brest, on dirait un sortilège vaudois récité à l’envers par un perroquet enrhumé ! » 

DG - Avez-vous d’après projets de traduction en patois Bourguignon de l’Auxois, comme celui de Coke en stock, car on serait curieux de lire une traduction des jurons de Haddock mégaphone en main...

NP - Cré louvairou, pourquouè pas eu petiot Haddock illeustrè, mas l’aimi l’Albert Algoud pairle t’y lai langue de chez nôs ?

DG - Rassurez nos lecteurs... Tout fou de Tintin que vous êtes, on est d’accord : votre projet a bien reçu l’aval de Casterman et des ayants droits de Hergé ?

NP - Nous avons proposé notre projet de traduction aux Éditions Casterman qui ont bien accueilli le projet, et puis notre partenariat s'est finalisé avec Tintinimaginatio, garant de l'œuvre d'Hergé et de l'utilisation des droits sur l'œuvre. Ce partenariat, et ces échanges, sont la garantie du bon succès de notre projet. 

DG - Bien... Mais afin de mieux cerner votre personnalité, répondez à cette question déterminante :

     Le jour de la parution de LES BOUQUIOTTES D'LAI CASTAFIORE :

         1 - Vous ouvrez une bouteille de Loch Lomond

         2 - Vous ouvrez une bouteille de coteaux-de-l'auxois

         3 - Vous ouvrez une bouteille de Sani-Cola

NP - Les trois mon capitaine ! 

DG - À l'issue de cette consultation, je dois admettre que vous me semblez finalement sain de corps et d'esprit... Alors, profitez-en pour nous révéler votre secret du bonheur :

NP - Je terminerai comme les bonnes traditions de notre région en fredonnant un : « La la – La la – La la la la lère – La la la – La la la – La la la la la la la ! » C’est ça le bonheur ! 

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Située à l’ouest de la Côte-d’Or, à quelques kilomètres de Dijon, l'Auxois est une région riche en patrimoine historique et culturel. Cette région est également un bastion du patois bourguignon de l’Auxois, parlé aujourd'hui par des petits groupes locaux. La traduction de l’album des Bijoux de la Castafiore est donc la preuve de la vitalité de ce patois qui évoque le bon vin, la camaraderie et les terroirs de la France qu’on aime !

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