DG : Bref, votre cas ne me paraît pas si désespéré que cela, mais commencez par répondre à cette première question : avez-vous profité de ces deux mois d’été pour vous reposer* ?

*La consultation a eu lieu le 27 août 2025

JPM : Hélas non, cher Docteur Guido, comme vous pouvez vous en douter. Ce fut un été studieux, mais joyeux... J’ai organisé et participé à la mise en place du Book-Book Mobilivre dans l’Uzège et ce fut l’occasion de belles rencontres, de partages et de convivialité. Comme vous pouvez le constater, j’ai effectivement besoin de me confier à un spécialiste, car je ne m’explique toujours pas comment je peux continuer de travailler avec autant de plaisir, alors que rien ni personne ne m’y oblige ! Je suis à la retraite, après avoir pendant plusieurs années travaillé dans le monde du livre... Alors oui... Je suis bien obligé d’admettre que je suis atteint d'une certaine fénésie post-retraite ! Mais je ne suis pas certain de souhaiter que l’on me soigne.

DG : Je suis rassuré que vous preniez conscience de l’ampleur de votre pathologie, car finalement, occupé comme vous êtes, j’imagine que vous ne lisez aucun livre...

JPM : J’ai quand même réussi à lire le premier roman de Raphël Quenart (Clamser à Tataouine), un livre jubilatoire, qui se lit d’une traite… et ma passion pour la BD m’a fait plonger dans Journal inquiet d’Istanbul, une autre merveille. J’adore tout particulièrement la ligne claire de la BD Belge : Hergé, Floch&Rivière, Joost Swarte…

DG : Je vois que vous tentez de me distraire en citant Hergé, mais restons concentrés sur cette Frénésie obsessionnelle post-retraite qui vous a conduit à créer Mobilivre... Vous pouvez m’en dire plus ?

JPM : Mobilivre est une entreprise d’utilité publique qui permet de rapprocher le livre du lecteur, dans les villages et bourgs ruraux dépourvus de librairies. Il suffit d’utiliser l’application sur son smartphone et tout lecteur peut commander ses livres qui lui seront livrés par le libraire le plus proche ou celui de son choix, en tout cas ceux qui utilisent le Book-Book que Mobilivre met à disposition gratuitement aux libraires volontaires. Grâce à ce service, il est possible de retrouver sa commande de livres dans le village le plus proche de son lieu de vie ou de vacances. Notre mantra ? Remettre les librairies au centre du village !

DG : Ne pensez-vous pas que les gens qui font le choix de vivre loin d’une librairie, en zone rurale comme vous dites, souhaitent justement se retirer du monde, de la foule, s’occuper de leurs oignons et ne plus lire de livres ?

JPM : Non ! Car si 55% des lecteurs ne vont pas en librairie, c'est justement parce qu’ils n’en ont pas en bas de chez eux, et qu’ils sont obligés d'acheter leurs livres sur des sites de e-commerce. Le projet de Mobilivre, c’est de rallumer les lumières en renouant le lien entre lecteurs et libraires et en privilégiant les rencontres avec les auteurs, ainsi que les maisons d’éditions qui ne peuvent se passer des lecteurs pour exister.  

DG : Bon... à la rigueur... Mais vos tendance mythomaniaques ne vous ont-elles pas aveuglé ? En occupant cette évidence : Amazon s’occupe déjà de livrer des livres là où il n’y a pas de librairies...

JPM : Certes, mais le champ d’action est vaste. Nous avons comme projet d’investir les 997 communautés de communes en France et DOM-TOM, s’inspirer du Québec où les libraires ont su s’organiser pour la distribution des livres et où Amazon n’y est pas présente.

DG : Vous seriez donc également mégalomane... Car, admettez que de souhaiter damer le pion à un géant comme Amazon, c’est croire aux contes de fées

JPM : Non, c’est comme dans les BD, les petits gagnent toujours contre les grands : Astérix contre les romains, et Tintin contre les méchants de ses aventures (Rastapopoulos, Allan, Müller…